L’HOMME AUX MILLE VISAGES
Francisco Paesa, ex agent secret espagnol, est engagé pour résoudre une affaire de détournement d’argent risquant d’entraîner un scandale d’Etat. L’homme y voit l’opportunité de s’enrichir tout en se vengeant du gouvernement qui l’a trahi par le passé. Débute alors l’une des plus incroyables intrigues politiques et financières de ces dernières années : l’histoire vraie d’un homme qui a trompé tout un pays et fait tomber un gouvernement.
Roldan gate.
Le rayonnement du cinéma espagnol ne se résume pas à Pedro Almodovar, et le réalisateur Alberto Rodriguez est devenu, avec J.A Bayona, l’un des nouveaux porte-drapeau d’un cinéma exigeant avec des films engagés, comme il l’avait notamment prouvé avec La Isla Minima en 2015.
L’Homme aux Mille Visages, labélisé « true story », revient sur une histoire méconnue (pour nous français) mais structurante pour la politique espagnole : celle d’un scandale d’Etat des années 90 où Luis Roldan, Directeur de la Guardia Civil (l’équivalent de notre Ministre de l’Intérieur) fut embourbé dans une vaste affaire de corruption qui marqua la fin du gouvernement socialiste en place à l’époque.
Autant le dire tout de suite, à moins d’être un fana de politique, le pitch peut s’avérer rebutant et laisser totalement hermétique. Mais Rodriguez aborde ce sujet en tentant de s’émanciper des détails trop techniques pour revenir à l’essentiel : raconter la cavale d’un homme politique aux abois, qui va pouvoir compter sur l’aide d’un ex-agent secret espagnol face à un engrenage médiatique qui le dépasse. Une intrigue politique et financière qui résonne avec l’actualité politique française et qui montre une nouvelle fois qu’un seul Homme peut devenir l’étendard de tout un système défaillant.
Le récit s’affranchit de la posture documentaire, même si des images d’archives de journaux télévisés européens rythment l’histoire, pour proposer un film entre le thriller et le divertissement. La mise en scène est plutôt ambitieuse et rappelle parfois le cinéma de Scorsese et de Spielberg. Quelques scènes qui traitent blanchiment d’argent et comptes offshores font écho au Loup de Wall Street, au milieu d’autres bien plus proches du huis-clos bavard. Ces allers-retours entre deux genres créent un rythme assez déroutant et le film donne parfois l’impression de crouler sous le poids des références. On recherche d’ailleurs encore le metteur en scène qui proposera autre chose qu’un montage d’une mappemonde avec un avion qui se déplace d’un pays à l’autre pour illustrer des voyages successifs !
Côté distribution, pas grand-chose à redire, même si on ne comprend pas toujours bien la place accordée à cette ribambelle de personnages secondaires. Rodriguez a visiblement fait appel à la crème des acteurs espagnols, et malgré le jeu impeccable de Carlos Santos (interprétant l’ex ministre Roldan) son travestissement est trop visible pour convaincre totalement.
Pas évident de gérer la totale reconstitution d’une époque pas si lointaine que ça mais où tout a changé (mode, automobile, décoration…), d’autant que L’Homme aux Mille Visages ne joue pas sur l’économie des plans extérieurs en donnant une large place au Paris des années 90. Un défi réussi qui évite de tomber dans les clichés de la carte postale.
En somme, un thriller politico-financier intelligent mais trop dense qui pêche par son rythme totalement déséquilibré.
La fiche
L’HOMME AUX MILLE VISAGES
Réalisé par Alberto Rodriguez
Avec Eduard Fernández, José Coronado…
Espagne – Thriller politique
Sortie : 12 avril 2017
Durée : 123 min