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ANTONIO DE LA TORRE | Interview

Un peu moins de deux ans après sa dernière venue à Paris, où il évoquait son parcours et sa vision du métier d’acteur, nous avons retrouvé le comédien Antonio de la Torre pour la sortie d’un polar franco-belge qui se déroule à Bruxelles, Entre la vie et la mort.

Quel élément du scénario du film Entre la vie et la mort vous a incité à accepter ce rôle ?

Antonio de la Torre : La première chose, c’est le grand respect que j’ai pour le cinéma français. J’ai vu cette proposition comme une grande opportunité. Si le réalisateur Giordano Gederlini n’avait pas parlé l’espagnol, ça aurait sans doute été différent. C’était quelque chose de très important de pouvoir converser avec lui en espagnol. Pour le tournage c’était essentiel. Une autre raison, c’était de pouvoir tourner à Bruxelles. La ville offre beaucoup de possibilités au scénario.

On connaît Giordano Gedrlini pour ses scénarii, entre autres, le film Tueurs, avec Olivier Gourmet et Les Misérables de Ladj Ly. Aviez-vous vu ces deux films ?

Avant de tourner, j’ai visionné Les Misérables et j’ai été très impressionné. J’aime beaucoup de films aux styles très différents, mais j’ai une préférence pour les œuvres réalistes. Et ce qui a été déterminant c’est que Giordano parle espagnol et m’a dit : « J’ai vu beaucoup de films de toi et je veux tourner avec toi.» Quelquefois, pour faire un film, c’est comme en amour. Si l’autre fait une déclaration sincère, c’est très difficile de dire non.

Concernant le film noir, avec souvent des implications sociales ou politiques, est-ce un genre cinématographique que vous affectionnez particulièrement ?

Absolument. Avec tout le respect que j’ai pour tous les styles de films, j’ai quand même une préférence pour ceux où il y a une implication sociale comme dans le film noir. En Espagne, on a eu un film il y a quelques années, La Isla minima, avec un scénario magnifique. C’est un très grand souvenir pour moi, que ce soit pour le metteur en scène Alberto Rodriguez ou pour le scénario, ou le fait de travailler avec de tels acteurs. C’est un très grand souvenir et le film a reçu beaucoup de récompenses, dont plusieurs Goya. Donc oui, le film noir avec ses côtés politiques, sociaux pour moi c’est très important et ce sont des films différents des autres.

Entre la vie et la mort

Comment définiriez-vous le personnage de Leo Castaneda ? Quelles sont ses motivations ?

Selon moi, un père qui a perdu son fils, c’est la pire tragédie possible. Après cette perte, il est un homme totalement différent, sans espérance, sans futur. Pour moi, c’est la meilleure définition de Castaneda et sa seule raison de vivre c’est de retrouver les assassins de son fils.  C’est un rôle de tragédie, comme chez Shakespeare. C’est un homme qui est dans la solitude et qui est extérieur à tout.

Votre personnage partage avec celui du commissaire, interprété par Olivier Gourmet, le fait d’avoir eu une relation très difficile avec son enfant. Le moteur de votre personnage n’est-il pas aussi la culpabilité d’avoir eu un comportement très dur avec son fils ?

Absolument, et la culpabilité peut être un moteur pour faire des choses terribles. Il est en pleine perdition et il n’a plus peur de perdre la vie.

Vous êtes-vous demandé ce que vous auriez fait à la place de Castaneda, dans la même situation ?

C’est une question intéressante, mais je ne sais pas. C’est incroyable, quand je travaille un personnage comme ça, j’y vais nu, je n’ai pas la réponse à la question. Je ne le sais vraiment pas. C’est une question intéressante que j’ai avec tous les réalisateurs. Ce que je ferais à la place de mon personnage. Les mêmes choses violentes, par exemple ? Je ne le sais pas.

Votre personnage a connu la mort d’un enfant. A un moment donné, lors d’un échange avec le personnage de Marine Vacth, on le sent ému, encore capable d’être touché. Il n’est pas encore mort intérieurement. Quelle est votre vision de ce qu’un homme peut endurer sans perdre ce qui fait de lui un être sensible ?

Il y a un dicton en espagnol qui dit « Faites que Dieu ne m’envoie pas tout le mal que je pourrais supporter ». Je pense que la capacité de résistance de l’homme est incroyable. C’est impossible d’imaginer et de répondre à cette question. Mais la résilience, le fait de vouloir survivre est sans limites.


Propos recueillis et édités par Eric Fontaine pour Le Bleu du Miroir