JEUNE ET JOLIE
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Le portrait d’une jeune fille de 17 ans, en quatre saisons et quatre chansons.
Elle s’ennuie, elle se prostitue
Ayant fait sensation à Cannes (pour sa qualité ? pour son thème ?), Jeune et jolie de François Ozon débarque à Paris pour le Festival Paris Cinéma en attendant sa sortie en salles prévue pour le mois d’Août. Le dernier film du prolifique réalisateur français suit la jeune Isabelle, effrontée et un peu inconsciente, qui va décider de se prostituer au retour des vacances d’été où elle a perdu sa virginité avec un allemand qu’elle ne portait guère dans son coeur.
Contrairement à des films comme le très bon Mes chères études ou le très mauvais Sleeping Beauty, la jeune fille ne vend pas son corps pour subsister à ses besoins. Le motif est tout autre, puisque la famille d’Isa est plutôt aisée et équilibrée. C’est une toute autre raison qui pousse celle qui se fera appeler Léa à effectuer ses passes avec des hommes mariés pour la plupart. Fasciné par son personnage et sa bien-trop-mince-pour-être-sexy actrice (égérie chez Yves Saint-Laurent) qu’il peut manipuler et déshabiller à son goût, François Ozon semble avoir oublier de faire un film. Les idées de départ sont là mais le développement n’y est pas. Isa/Léa enchaîne les passes, poussée par une force obscure, sans y voir le moindre mal (ou de risques encourus), et collecte son argent sans le dépenser. Mal-être narcissique et/ou existentiel ? Quête identitaire ? Problème avec la mère (qu’elle soupçonne d’infidélité) ? Ozon n’apporte aucune réponse. Il ne cherche pas à juger, simplement à montrer.
Lors d’un rendez-vous, un client fait un infarctus et décède. La jeune fille est rapidement démasquée (même si elle ne risque rien juridiquement). La relation mère-fille va être davantage approfondie… ou pas. Tout reste trop distancier et les dialogues ne sonnent pas toujours justes. Il faut dire que si Marina Vacth fait plutôt bien le boulot – tirer la tronche et sortir deux ou trois répliques sèches de temps en temps – la pauvre Géraldine Pailhas n’est pas à la hauteur. Le scénario accuse de nombreuses lacunes et le ton du film dérange (dans le mauvais sens du terme). Empreint d’une mélancolie plutôt inexplicable, le spectateur suit la jeune femme dans des hôtels d’affaire sans qu’il ne puisse finalement comprendre ce qui la pousse à agir de la sorte (et sans précaution) et ce qui explique ce mal-être qu’elle ressent. Visiblement ce rôle de prostituée lui procure un certain plaisir, un sentiment d’exister. Peut-être cherche t’elle à jouer avec le feu, à se jeter dans l’inconnu sans élastique. Cela parait la piste la plus crédible que semble explorer l’auteur de Jeune et Jolie. Au final, les raisons ne semblent même pas être ce qui intéresse Ozon qui porte davantage d’intérêt aux conséquences sur la famille d’Isabelle ou sur l’état d’esprit de cette jeune fille marginale. Malheureusement, les personnages manquent d’épaisseur et leur psychologie reste trop superficielle pour apporter de véritables enjeux crédibles. François Ozon n’a pas voulu juger, il en a oublié de faire autre chose que de montrer et reste enfermé dans ses précautions. Un film appliqué sur la forme, trop superficiel sur le fond, porté par une Marina Vacth pas inoubliable.
La fiche
JEUNE ET JOLIE
Réalisé par François Ozon
Avec Marina Vacth, Géraldine Pailhas
France – Drame
Sortie en salles : 21 Août 2013
Durée : 94 min
Tu n’as pas vraiment tort mais pas vraiment raison non plus… 😉 Il se dégage tout de même un certain charme et un charme certain… mais loin d’être le meilleur Ozon…
Je ne prétends (presque) jamais avoir raison. Un avis, aussi argumenté et juste soit-il, est forcément un peu subjectif. J’ai trouvé ce J&J pas assez fouillé et pas extraordinairement interprété, à commencer par la Paillasse qui a du mal à s’approprier le rôle.
Fantin Ravat est très bien dans le rôle du petit frère. Et puis les chansons de Hardy… Moi j’ai adoré… 😉
Au fait Sleeping beauty n’est pas mauvais…
[…] sorties attendues, tant par les cinéphiles guettant les films français sélectionnés à Cannes (Jeune et jolie) que les geek amateurs de comédie avec un peu de baston (Kick Ass 2, Les flingueuses) et les […]
Et si la mélancolie était justement le thème du film ?
Je pense que c’est effectivement probablement ça mais pour moi cela ne fonctionne pas.
S’il est évident qu’on a vu les mêmes images, on n’en tire pas les mêmes conclusions ! J’apprécie le fait qu’Ozon ne cherche pas d’explication. Ce n’est même pas important, effectivement : il me semble que le propos du film est ailleurs. Cette gamine se prostitue. Et alors ? Si elle aime ça ! C’est à elle de décider si le plaisir qui en découle vaut les risques encourus, pas aux autres de le décider pour elle.
Allons même plus loin. L’héroïne qui fait la pute sans raison particulière, apprécie particulièrement un vieux et prête à faire la lesbienne sur commande (et donc cumule les « infractions » à la loi sociale) ; la mère qui donne l’apparence de la fidélité mais trompe son mec ; le mec en question qui a l’air totalement détaché de ça ; le petit frère qui découvre le plaisir solitaire… en y regardant bien, chaque personnage, même les plus secondaires (comme la copine de lycée), a un rapport différent au sexe, et c’est tant mieux ! La seule morale à tirer de ce film, c’est celle-là : il y a autant de rapport au sexe qu’il y a d’individus. Vouloir imposer des normes valables pour tous toute la vie (= partenaire unique dans le cadre d’une relation amoureuse), c’est de la connerie. Et il faut accepter avec bienveillance que l’autre, même proche, puisse avoir des envies et des pratiques différentes des siennes – la scène avec Charlotte Rampling est on ne peut plus éclairante.
Bref, j’en ferais pas un des films de l’année. Mais ça reste un bon film français, qui en plus évite l’écueil de la longueur exagérée, pour se concentrer sur un format plus court et plus efficace.
Je suis complètement d’accord avec ce que tu dis sur la sexualité. C’est aussi mon point de vue. Mais je trouve que intellectualises quelque chose de beaucoup plus superficiel. Cela reste mon avis mais pour moi ton propos est plus profond que le film lui même.
bonjour 😉
tu ne parles pas de la relation d’Isa avec son frère que je te trouve très intéressante. Ca ne t’as par marqué ?
Pas spécialement, non 🙂