KNIGHT OF CUPS
« Il était une fois un jeune prince que son père, le souverain du royaume d’Orient, avait envoyé en Égypte afin qu’il y trouve une perle. Lorsque le prince arriva, le peuple lui offrit une coupe pour étancher sa soif. En buvant, le prince oublia qu’il était fils de roi, il oublia sa quête et il sombra dans un profond sommeil… » Le père de Rick lui lisait cette histoire lorsqu’il était enfant. Aujourd’hui, Rick vit à Santa Monica et il est devenu auteur de comédies. Il aspire à autre chose, sans savoir réellement quoi. Il se demande quel chemin prendre.
Systématisme Malickien.
Il y a peu de mots pour décrire ce sentiment mortifiant éprouvé durant la projection de Knight of Cups, le dernier film de Terrence Malick, pour poser quelques phrases sur l’incommensurable chape de plomb s’étant, à nouveau, abattue sur nos têtes. Ainsi, alors que le souvenir de sa superbe triade (La Ligne Rouge, Le Nouveau Monde, The Tree of Life), entrelaçant grandiloquence et sensibilité, est encore vivace, voir un tel talent s’évaporer définitivement dans la caricature et le systématisme ressemble à une torture proche de l’insoutenable.
La bande-annonce, scindée en deux parties distinctes, présageait pourtant un semi-renouveau : celui d’un artiste en passe de revenir à ses fondamentaux, à un univers où l’émotion règne en maître. Quelle déception, alors, de constater que le réalisateur s’éloigne toujours plus de ses œuvres-clés pour creuser la veine d’un cinéma abscons, aussi labyrinthique que dépourvu de sensations.
Si la splendeur visuelle est, comme à l’habitude, au rendez-vous, ce long pensum questionnant les errements existentiels et amoureux d’un homme dévasté broie du vide au lieu de nous le faire ressentir. Ce qui devrait toucher le spectateur l’irrite, ce qui devrait l’émerveiller l’indiffère tant les manquements artistiques se succèdent. Quand la narration décentrée sublimait The Tree of Life, elle camoufle, ici, le parcours obligé d’un scénario schématique dont le montage semble se composer aléatoirement. Dès lors, cette répétition des mêmes plans, des mêmes images ne réussit qu’à souligner la spirale infernale d’une direction d’acteurs limitée où un casting de luxe sombre dans les extrêmes du mutisme et du surjeu.
À force de plonger jusqu’aux tréfonds de son cinéma pour en faire jaillir la quintessence, Terrence Malick s’est (momentanément ?) perdu dans ses propres expériences, oubliant qu’il ne lui est plus nécessaire de chercher la grâce puisqu’il est, depuis quarante ans, capable de la créer.
La fiche
KNIGHT OF CUPS
Réalisé par Terrence Malick
Avec Christian Bale, Natalie Portman, Cate Blanchett…
Etats-Unis – Drame
Sortie : 25 Novembre 2015
Durée : 118 min
Et si après l’éblouissement de The tree of life, Malick ne cherchait pas à justement à travailler sur la répétition, instauré comme un phénomène ou une structure, dans ses films pris individuellement et dans l’ensemble de l’oeuvre (répétitions des motifs, répétitions des chemins empruntés, cahoteux toujours, mais aussi toujours tracés des ténèbres à la lumière)… Ces répétitions comme autant de boucles et à partir de là, grâce aux correspondances, grâce à la possibilité d’éclairer un film par un autre, dans un constant renouveau.