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LE LABYRINTHE DE PAN

Espagne, 1944. Fin de la guerre. Carmen, récemment remariée, s’installe avec sa fille Ofélia chez son nouvel époux, le très autoritaire Vidal, capitaine de l’armée franquiste. Alors que la jeune fille se fait difficilement à sa nouvelle vie, elle découvre près de la grande maison familiale un mystérieux labyrinthe. Pan, le gardien des lieux, une étrange créature magique et démoniaque, va lui révéler qu’elle n’est autre que la princesse disparue d’un royaume enchanté. Afin de découvrir la vérité, Ofélia devra accomplir trois dangereuses épreuves, que rien ne l’a préparé à affronter… 

La princesse et le capitaine.

En 2001, le succès des Autres d’Alejandro Amenábar ouvre la voie d’une renaissance du cinéma fantastique hispanique. Le mexicain Guillermo del Toro, qui a assez mal vécu sa première expérience américaine avec Mimic, trouve ainsi dans l’Espagne une terre d’accueil lui permettant de réaliser un long métrage plus personnel, L’Echine du diable. Cette histoire de fantômes dans un orphelinat ayant pour toile de fond la violence de la guerre civile espagnole, impose le réalisateur comme un futur très grand du cinéma fantastique. Guillermo del Toro s’en retourne aux grosses productions américaines (Blade 2, Hellboy) mais pour mieux revenir sur le territoire hispanique en 2006 avec une œuvre qui fait écho à L’Echine du diable et qui est sans doute la plus aboutie de sa carrière, Le Labyrinthe de Pan.

L’imaginaire de Del Toro

Là où L’Echine du diable racontait la rencontre d’un jeune garçon et d’un fantôme, Le Labyrinthe de Pan conduit une fillette amatrice de contes de fée à devenir elle-même l’héroïne d’une aventure fantastique. Ainsi Ofelia, orpheline de père et subissant le joug d’un parâtre capitaine franquiste, fait la rencontre d’une fée qui la mène à un faune. Celui-ci lui révèle alors qu’elle est en réalité la princesse d’un monde parallèle et qu’elle doit se soumettre à trois épreuves pour tenter de rejoindre les siens. Son parcours initiatique croisera le chemin de créatures aussi emblématiques qu’un crapaud géant ou qu’un ogre.

Cependant si Guillermo del Toro reprend tous les codes du conte de fée, il les fait aussi siens. Loin d’un univers aujourd’hui trop souvent édulcoré, il en fait ressortir le côté sombre et l’horreur. Derrière le crapaud ne se cache pas un prince charmant mais un monstre tueur d’arbre. Le physique de l’ogre est loin de l’image qu’on s’en fait habituellement et s’avère encore bien plus terrifiant. Mais cet univers fantastique évolue au rythme des pensées et des sentiments d’Ofelia, ainsi à l’horreur et la peur se substituent souvent la magie et la féérie. À l’image du faune, dont le visage s’adoucit au fur et à mesure de ses rencontres avec la fillette, sans parler du monde merveilleux qui attend Ofelia si elle parvient à réussir ses trois épreuves.

Obéissant à la définition du fantastique, qui voit le surnaturel surgir dans la réalité, et pour faire naître une parfaite confusion entre la véracité d’un monde parallèle ou la simple imagination d’Ofelia, Guillermo del Toro ancre ses personnages magiques dans une base réelle, et les rapproche plus précisément de la nature. Ainsi les fées naissent de phasmes tandis que le faune, malgré une silhouette qui reprend les traits d’un bouc, est fait d’écorce d’arbre et se confond avec la forêt qui est sa demeure.

Si le monde né de l’imaginaire de Guillermo del Toro fonctionne aussi bien à l’écran, que sa magie émerveille autant, c’est que le réalisateur n’a pas succombé à la mode du tout numérique. S’il y a quand même parfois recours (les fées, quelques décors…), cela reste discret et la majeure partie des effets spéciaux du film sont mécaniques. Amoureux du cinéma fantastique de tous les âges du septième art, Guillermo del Toro lui rend ici hommage, à travers un travail de création absolument époustouflant, des décors aux maquillages et costumes, en passant par une lumière magnifique et une musique en forme de berceuse, aussi douce qu’angoissante. Rien que par sa technique et sa splendeur formelle, Le Labyrinthe de Pan s’impose comme une œuvre majeure du cinéma fantastique des années 2000.

Conte allégorique d’une Espagne franquiste

Le film prend place en 1944 dans l’Espagne franquiste post-guerre civile, et s’impose dès lors comme une sorte de suite de L’Echine du diable. Son histoire faisait d’ailleurs à l’origine partie du script de ce dernier, avant que Guillermo del Toro ne l’écarte pour le repenser comme une fable. Ainsi les deux films forment un diptyque sur la période sombre de l’histoire espagnole du XXe siècle. Si L’Echine du diable était dominé par un climat étouffant et semblait bien pessimiste quant à l’avenir d’une Espagne en pleine tourmente (voir le plan final sur les enfants qui partent avec le désert comme unique horizon), Le Labyrinthe de Pan regarde l’horreur de la guerre à travers les yeux d’une enfant qui veut croire en un monde meilleur. Si le chemin est semé d’embûches, n’y aurait-il pas au bout du labyrinthe une lueur d’espoir ?

Ainsi Le Labyrinthe de Pan est un conte allégorique sur l’Espagne franquiste. Chaque personnage y est un archétype. Le capitaine Vidal est l’image de l’autorité franquiste. Grand méchant sans nuance, vivant dans le seul souvenir d’un père militaire mort « en héros » sur le front, il prend les traits d’un Sergi Lopez terrifiant et charismatique. Il est le véritable monstre du film, perdant peu à peu son visage humain, et sombrant de plus en plus dans l’horreur au fur et à mesure qu’Ofelia se rapproche de son univers enchanté. Carmen, la mère d’Ofelia, veuve ayant épousé le capitaine Vidal pour se protéger elle et sa fille, est une métaphore d’un peuple espagnol terrorisé, diminué par la dictature (Carmen se voit imposer un fauteuil roulant avant de finir alitée puis sacrifiée) et qui n’a d’autre choix que de se soumettre. Mercedes, la gouvernante qui espionne le capitaine pour les résistants, et le docteur Ferreiro, qui soigne autant Carmen que les maquisards, représentent les activistes opposants au régime, l’Espagne qui refuse de se soumettre.

Et puis il y a Ofelia, jeune fille née dans la réalité de la guerre, et qui veut s’en échapper. N’aspirant au départ qu’à trouver la protection auprès de sa mère, quand celle-ci va défaillir elle va se réfugier dans l’imagination et rêver d’un ailleurs. Toujours habillée de vert, elle représente l’espoir, la croyance en un renouveau. Si elle se sauvera, en quittant l’horreur du franquisme pour une renaissance dans un univers parallèle baigné d’amour et de lumière, elle ne laisse pour autant pas son monde d’origine sans espoir. Le capitaine Vidal mort, son fils, nouvellement né de son union avec Carmen, sera adopté par la résistance, devenant ainsi la métaphore d’une future nouvelle Espagne qui renaitra de ses cendres…

La fiche

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LE LABYRINTHE DE PAN
Réalisé par Guillermo Del Toro
Avec Ivana Baquero, Sergi López, Doug Jones…
Espagne, Etats-Unis, Mexique – Fantastique
Sortie : 1er Novembre 2006
Durée : 112 min




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