LES ANIMAUX FANTASTIQUES
New York, 1926. Le monde des sorciers est en grand danger. Une force mystérieuse sème le chaos dans les rues de la ville : la communauté des sorciers risque désormais d’être à la merci des Fidèles de Salem, groupuscule fanatique des Non-Maj’ (version américaine du « Moldu ») déterminé à les anéantir. Quant au redoutable sorcier Gellert Grindelwald, après avoir fait des ravages en Europe, il a disparu… et demeure introuvable. Ignorant tout de ce conflit qui couve, Norbert Dragonneau débarque à New York au terme d’un périple à travers le monde : il a répertorié un bestiaire extraordinaire de créatures fantastiques dont certaines sont dissimulées dans les recoins magiques de sa sacoche en cuir – en apparence – banale.
Spin-off opportuniste ?
La mythologie d’Harry Potter est si riche qu’il était presque prévisible qu’un spin-off émergerait un jour. Et c’est environ cinq ans après la fin des aventures du célèbre sorcier que débarque sur les écrans Les animaux fantastiques, écrit et adapté par JKR herself.
Comment s’enthousiasmer de voir un minuscule bouquin d’accompagnement devenir le premier jalon d’une nouvelle franchise ? La jurisprudence Hobbit sonnait comme un avertissement que l’on ne pouvait ignorer. Pour ne rien arranger, le monde des bestioles magiques n’étant pas le plus alléchant sur le papier, l’idée de lui consacrer cinq films soulevait de sérieuses interrogations – et même une certaine révolte. Après de multiples échecs à trouver un successeur digne du rang de l’Elu à la mythique cicatrice, l’industrie cinématographique, déjà peu encline à faire le deuil d’une poule aux œufs d’or, s’est engouffrée dans la brèche. Pourtant, avant de condamner le projet de façon précoce, il convenait de juger sur pièce : que vaut finalement ce premier épisode (sur cinq donc) consacré aux Animaux fantastiques ?
Reconnaissons tout d’abord la bonne volonté de l’auteure qui évite l’écueil du fan-service en balayant beaucoup de choses pour transposer son histoire outre-atlantique, à New-York, il y a près d’un siècle. Rowling ne tombe pas dans la facilité, en multipliant les clins d’oeil et les apparitions pour contenter l’audience. Elle fait quasiment table rase de tout ce que l’on a pu découvrir durant sept livres et huit films. Soyez prévenus : dans Les animaux fantastiques, vous ne verrez aucune figure vraiment familière. Bon point pour cette intention louable. Confier la réalisation à David Yates, déjà aux commandes des quatre derniers volets de la saga HP, apparaissait comme un choix de raison afin de conserver une cohérence artistique. Pour donner vie à ce rejeton un peu bâtard, il conserve la même imagerie avec une louche supplémentaire de rétro – années 20 obligent.
Devant la caméra, c’est l’oscarisé Eddie Redmayne qui s’est vu confié la lourde tâche de devenir la tête de proue de la franchise. Mais le comédien britannique a beaucoup de mal à convaincre. Son jeu, forcé et crispant, donne la désagréable sensation de suivre les mésaventures d’un jeune Pierre Richard maculé de tâches de rousseur. Et là où Harry Potter pouvait s’appuyer sur un héros fort et d’attachants et complémentaires personnages secondaires, Les animaux fantastiques se tire une balle dans le pied avec d’antipathiques compères et un protagoniste central benêt et maniéré.
Plus handicapant encore, ce premier volet paraît terriblement dénué d’enjeux. Pendant près d’une heure trente, l’intrigue ne tourne qu’autour d’un seul questionnement : Dragonneau parviendra-t-il à récupérer les gentilles bébêtes magiques (et mal-aimées) qui se sont échappées dans la Grande Pomme ? Cette cruelle carence dramatique n’est pas aidée par l’absence d’un véritable antagoniste identifié – malgré l’évocation des méfaits de Grindelwald.
Courageusement, Rowling a tenté de donner vie à un monde entier et de développer quelques pans de sa mythologie dans une géographie nouvelle. Malheureusement, son gentillet premier épisode ne parvient à masquer ni sa trame insipide, ni sa caractérisation passe-partout. Il ne suffisait donc pas de claquer des doigts pour que la magie opère à nouveau… De là à considérer cette franchise dérivée comme ouvertement opportuniste, il n’y a qu’un pas que nous ne franchirons pas tout de suite. Mais l‘indifférence succèdera-t-elle à la passion et l’émerveillement ? L’envie de revenir pour le second sera-t-elle là ? La présence de Johnny Depp augure plutôt du contraire.
La fiche
LES ANIMAUX FANTASTIQUES
Réalisé par David Yates
Avec Eddie Redmayne, Katherine Waterston, Dan Fogler…
Etats-Unis – Fantastique, Aventure
Sortie en salle : 16 Novembre 2016
Durée : 133 min