LES MISÉRABLES
En 1818, un paysan, Jean Valjean parvient à s’évader du bagne de Toulon après vingt ans de travaux forcés (après avoir été injustement condamné). Jean Valjean revient en France où il aspire enfin à la tranquillité et au bonheur. Son destin bascule avec la rencontre de l’évêque de Digne, Mgr Myriel.
Critique du film
Il y aurait une cinquantaine d’adaptations cinématographiques des « Misérables », un des romans emblématiques de l’œuvre de Victor Hugo. Celle réalisée par Jean-Paul Le Chanois et sortie en 1958, serait la dixième chronologiquement parlant. Cinéaste populaire parfois décrié, Le Chanois adapta l’oeuvre culte avec l’écrivain René Barjavel pour une version qui fut, en son temps, l’une des productions françaises (plus précisément, franco-italo-est allemande) les plus coûteuses.
La richesse de l’œuvre de Victor Hugo autorise une grande liberté narrative et permet à ces nombreuses adaptations, issues de pays très variés (France, Italie, Japon, Grande Bretagne, etc…), d’être très différentes par leur ton et leur style. Jean-Paul Le Chanois et René Barjavel souhaitaient par-dessus tout se montrer fidèles à l’esprit du roman et de son auteur, perpétrant sa fibre humaniste, qui faisait se rencontrer destins individuels et grande histoire. Les Misérables relate donc à la fois le cheminement exceptionnel d’un homme nommé Jean Valjean, ancien forçat en quête d’une dignité et d’une honnêteté que sa condition misérable lui refusait, mais également l’insurrection républicaine de 1832, à Paris.
Tourné en Technicolor, ce qui contribue à la grande réussite plastique de cette adaptation, Les Misérables bénéficie également de l’utilisation du Technirama, alternative au Cinémascope qui offrait une meilleure netteté d’image et une plus grande profondeur de champ. Cet aspect formel très abouti constitue un écrin de choix pour un film à l’écriture fine et à l’interprétation de premier ordre. Jean Gabin, en Jean Valjean, livrait une prestation sobre, puissante et très fidèle à l’idée qu’on peut se faire de ce personnage hors du commun. En époux Thénardier, Bourvil se montrait cauteleux, roué, à mille lieux de ses rôles sympathiques habituels. Ce changement de registre prouvait quel grand acteur il pouvait être. En inspecteur Javert, le policier inflexible et froid qui poursuit Jean Valjean, Bernard Blier déployait une palette de jeu fine et nuancée. Autour de ces trois grands comédiens au sommet de leur art, Danielle Delorme et Silvia Monfort s’avéraient émouvantes dans des rôles très différents, la première en Cosette devenue jeune femme et la seconde en Eponine, fille des époux Thénardier, aussi touchante que ses parents sont repoussants. Serge Reggiani et Giani Esposito apparaissent également dans des rôles importants.
Les qualités de l’œuvre d’origine sont bien présentes, auxquelles s’ajoutent tous ces atouts cinématographiques : esthétique du film, distribution exceptionnelle, reconstitution réussie et un souffle certain. Les scènes marquantes parsèment Les Misérables : le passage chez Monseigneur Myriel – Fernand Ledoux -, le traquenard dans lequel tombe Jean Valjean, fomenté par les Thénardier, les barricades parisiennes avec la mort de Gavroche – Jimmy Urbain -, la scène du tribunal où il s’agit de disculper un innocent…
Le réalisateur considérait le film comme l’achèvement de sa carrière et le qualifiait d’œuvre sur la générosité humaine. Le lyrisme du roman est présent, la noblesse des sentiments également. Cette version rencontra un grand succès populaire avec 8 millions d’entrées en France et reste très certainement une des adaptations les plus réussies et fidèles de ce roman que tout le monde ou presque connaît, sans forcément l’avoir lu.