LES OGRES
Ils vont de ville en ville, un chapiteau sur le dos, leur spectacle en bandoulière. Dans nos vies ils apportent le rêve et le désordre. Ce sont des ogres, des géants, ils en ont mangé du théâtre et des kilomètres. Mais l’arrivée imminente d’un bébé et le retour d’une ancienne amante vont raviver des blessures que l’on croyait oubliées. Alors que la fête commence !
Tornade vorace.
Repérée avec le prometteur Qu’un seul tienne et les autres suivront, Léa Fehner revient pour son deuxième long avec un sujet pour le moins personnel. Les Ogres plonge en effet le spectateur au sein d’une troupe de théâtre itinérant, milieu dans lequel la réalisatrice a baigné toute son enfance. Elle convie d’ailleurs au casting son père, sa mère et sa sœur, qui côtoient des acteurs de cinéma comme la césarisée Adèle Haenel ou Marc Babé. Ce mélange entre réalité et fiction se retrouve d’ailleurs dans l’ensemble du film, qui conjugue assez bien un style parfois quasi documentaire et, par ailleurs, une mise en scène très cinématographique et une écriture par moments assez théâtrale. Il y a déjà une très grande maîtrise ainsi qu’une grande justesse dans le travail de Léa Fehner, et cela se sent dès l’étourdissante scène d’ouverture où sa caméra virevolte de la scène du théâtre itinérant à ses coulisses avec une fluidité déconcertante, plongeant d’emblée le spectateur dans le tourbillonnant quotidien de la troupe. S’ensuit un remarquable ballet de caravanes complètement dément qui finit d’installer l’ambiance totalement hystérique du film.
Mais au voyage de la troupe, Léa Fehner semble préférer celui dans la tête de ses protagonistes : la recherche de leurs failles, de leur part d’ombre, de leurs blessures enfouies. Ce contre-pied à l’ambiance en apparence festive du théâtre est au départ bienvenu, notamment lorsqu’il offre un magnifique instant de grâce, où une épouse, humiliée par son mari, et faisant l’objet d’un simulacre de vente aux enchères, retrouve la beauté de ses jeunes années dans les bras d’un inconnu. Mais rapidement un déséquilibre se crée, et les engueulades, se répétant, finissent par prendre le dessus, sans que les scènes censées faire respirer le film n’arrivent à lui redonner du souffle. Léa Fehner semble alors s’enfermer dans une spirale de redite qui n’apporte plus grand-chose de nouveau. Les protagonistes perdent leur sympathie auprès du spectateur qui a presque envie de suivre l’une des comédiennes qui, excédée, prend la fuite. Le film est sauvé de justesse grâce à une ultime séquence où, l’harmonie revenue, l’ensemble de la troupe démonte le chapiteau en entonnant une chanson collégiale. Le spectateur ressort alors un petit sourire aux lèvres, en se disant qu’il s’en est fallu de peu pour qu’il soit dévoré tout cru par des ogres un peu trop voraces.
La fiche
LES OGRES
Réalisé par Léa Fehner
Avec Adèle Haenel, Marc Barbé, François Fehner…
France – Comédie dramatique
Sortie : 16 Mars 2016
Durée : 144 min