MIDNIGHT SPECIAL
Fuyant d’abord des fanatiques religieux et des forces de police, Roy, père de famille et son fils Alton, se retrouvent bientôt les proies d’une chasse à l’homme à travers tout le pays, mobilisant même les plus hautes instances du gouvernement fédéral. En fin de compte, le père risque tout pour sauver son fils et lui permettre d’accomplir son destin. Un destin qui pourrait bien changer le monde pour toujours.
Divin enfant.
Dans la noirceur d’une nuit anxiogène, les phares d’une voiture roulant à vive allure repoussent les ténèbres sur le bas-côté. A son bord, deux hommes et un petit garçon paraissent fuir une menace invisible, s’engager dans une lutte de haute volée contre un oppresseur ayant fait de l’obscurité sa nouvelle alliée. Craquée au cœur d’une introduction in medias res, cette étincelle amorce la composition duelle de Midnight Special, indéfinissable création filmique où réalisme et fantastique se réinventent en ballet.
De ce mariage audacieux, Jeff Nichols extirpe un long-métrage en perpétuel mouvement, attentif aux non-dits et au piège pernicieux de la surexplication. Le spectateur sera libre, conscient des zones d’ombres savamment entretenues et des ponctuelles éclaircies narratives surgissant de cet insaisissable entre-deux. Lui seul sera alors en mesure de colmater les brèches, d’interpréter à sa guise les événements racontés et d’y projeter son ressenti personnel.
À l’instar de ses personnages principaux, le réalisateur construit ainsi son long-métrage sur la notion même de croyance. Alors qu’un père (Michael Shannon, parfait), une mère, un ami, des scientifiques ou des citoyens lambdas ont cristallisé leur foi autour d’un enfant, Jeff Nichols reproduit en écho ce schéma avec son audience en lui demandant de céder à l’enchantement. Misant tout sur l’abandon et la clairvoyance de son destinataire, il cherche à faire renaître – sans toutefois emboîter le pas à la nostalgie mimétique d’un Super 8 – l’émotion naturelle liée à l’incursion du merveilleux.
Largement bercé par une pléiade d’illustres références (de Spielberg à Starman), Midnight Special n’apparaît pourtant jamais comme un hommage appuyé et factice à un âge d’or révolu : il s’inscrit, au contraire, pleinement dans la filmographie et les obsessions thématiques de Jeff Nichols. Entre vision d’une cellule familiale éclatée et observation d’une ruralité américaine inhibitrice, le quatrième essai du cinéaste réintroduit quelques-uns des motifs-clés déjà utilisés dans Take Shelter ou Mud.
Jeune père de famille, Jeff Nichols a, dès lors, mis en images ses propres angoisses de parent en s’attachant à dépeindre – par le prisme du fantastique – la déification d’un enfant. Devenu le point de convergence et d’attention ultime, ce dernier concentre par sa simple existence la peur de la perte, l’acceptation de la disparition et la souffrance du deuil. Plus implicitement, il métaphorise également la différence, un sentiment d’inadéquation au monde ne pouvant être guéri qu’en (re)trouvant la communauté nécessaire à son épanouissement.
À la fois film de cavale, thriller fantastique et émouvant conte sur la paternité, Midnight Special retrace les étapes successives d’une parentalité qui chamboule tout dans les atours inattendus de la science-fiction. Jeff Nichols y confronte alors l’intime au public, l’ordinaire à l’extraordinaire dans un envoûtant film-somme voué à réconcilier la beauté du propos et l’intelligence du récit.
La fiche
MIDNIGHT SPECIAL
Réalisé par Jeff Nichols
Avec Michael Shannon, Jaeden Lieberher, Joel Edgerton, Kirsten Dunst…
Etats-Unis – Science-fiction, Thriller
Sortie : 16 Mars 2016
Durée : 111 min
J’y suis allée sans connaître le réalisateur, j’ai à peine lu le synopsis.
J’ai découvert l’histoire, au fur et à mesure…. Il est vrai que l’on sent une réelle maîtrise.
J’étais avec ce père, tout le long (et cette scène dans la voiture rouge vers la fin…).
Pour moi, ce film est un OVNi et j’étais bluffée par les deux acteurs principaux.