MOMMY
Une veuve mono-parentale hérite de la garde de son fils, un adolescent TDAH impulsif et violent. Au coeur de leurs emportements et difficultés, ils tentent de joindre les deux bouts, notamment grâce à l’aide inattendue de l’énigmatique voisine d’en face, Kyla. Tous les trois, ils retrouvent une forme d’équilibre et, bientôt, d’espoir.
Mal de mère
En mai, à Cannes, les observateurs pronostiquaient la Palme d’or pour Mommy. Xavier Dolan avait dû quitter la Croisette en se contentant d’un Prix du jury – un accessit à partager avec Jean-Luc Godard en compétition avec son Adieu au langage – et de la symbolique « Palme du cœur » que décernent officieusement les journalistes dans leurs compte-rendus du palmarès. Or, en voyant ce film loin de l’euphorie festivalière – toujours génératrice d’excès, qu’il s’agisse de clouer au pilori ou de monter au pinacle un long métrage qui ne mérite ni l’un ni l’autre – il faut reconnaître que Mommy n’avait peut être pas la carrure pour la récompense suprême. Et cela, malgré la sympathie que peut inspirer Xavier Dolan et son cinéma, sa créativité, ses partis pris assumés ou l’envie dévorante de cinéma qui se lit dans chaque plan.
Le jury présidé par Jane Campion lui a préféré Winter Sleep, un film fleuve (196 minutes, une durée que le cinéaste québécois n’aurait pas reniée) mais qui coule sans que l’on sente les minutes s’égrener. Un film mi-contemplatif, mi-théâtral, qui gratte le vernis d’un humanisme dont beaucoup se réclament trop hâtivement. Une œuvre parfois féroce, où la hargne s’exprime plutôt comme un grondement sourd. Un programme aux antipodes de Mommy – quoique les deux films ont en commun des personnages névrosés paraissant prisonniers de leur environnement – où les cris et les verbes sont hauts. Ce qui n’est pas un défaut, Dolan racontant l’histoire d’une mère débordée par son fils hyperactif, aux colères filant comme des tempêtes. Le premier quart d’heure particulièrement braillard, ployant sous un déluge argotique, impose sans ambages Mommy comme un film à fleur de peau et excessif, à l’image de son auteur que d’aucuns trouvent « trop » (orgueilleux, maniériste, emphatique…).
Même si, quelques mois après Tom à la ferme, son film le plus « épuré » (les guillemets sont importants), Dolan semble chercher à restreindre ses emportements pop, il n’y parvient pas totalement. À l’image de ses personnages, enserrés dans un cadre au format 1:1 – choix esthétique pertinent pour évoquer les enfermements concrets ou mentaux des protagonistes -, qui sentent le besoin d’élargir les bords et de respirer en 16/9, le penchant naturel de Dolan pour les séquences clipesques revient au galop. Si ces scènes dénotent un indéniable sens de l’image, nombre d’entre elles, aussi séduisantes soient elles, s’accumulent comme autant de cheveux sur la soupe, et s’étirent, moins pour servir la narration que pour permettre à Dolan de donner à voir la maîtrise technique qu’on lui connaît. Là où le prodige québécois fait preuve d’audace, c’est dans le choix d’une bande originale constituée de titres moins « pointus » qu’à l’accoutumée et de les assumer au premier degré. Voir notamment le très beau moment de communion autour d’un tube de Céline Dion mis en scène sans la moindre once de recul cynique. Option qui aurait pu paraître tentante pour un chouchou des Inrocks et de Télérama.
Dolan use en revanche d’un artifice plutôt fumeux en débutant son film par un carton indiquant qu’en 2015 le gouvernement a voté une loi permettant à des parents de renoncer à leurs droits (et devoirs) sur leurs enfants si ceux-ci sont « dangereux ». Un procédé facile qui ouvre la voie à une espèce de mélodrame d’anticipation (le film se passe dans un futur très proche) et permet de justifier les incartades larmoyantes et jusqu’au-boutistes, alors que davantage de retenue aurait été bienvenue. Et cela d’autant plus au regard de la qualité de l’interprétation des trois acteurs principaux (Anne Dorval, Suzanne Clément et Antoin-Olivier Pilon), qui incarnent leurs personnages avec intensité, donnant à leurs hurlements de colère des airs de cris d’amour (et inversement).
Le film trouve son équilibre sur la relation triangulaire, elle même source de stabilité pour cette mère, ce fils et cette voisine devenue amie. Un trio dont chacun des membres est victime d’un enfermement (dans le quotidien, dans le passé, dans un rapport fusionnel, dans des deuils impossibles, ou, au sens propre, dans des institutions spécialisées). Chaque plan du film les appelle à se défaire de leurs chaînes. Mommy pousse un cri de liberté. Dommage que la conclusion à rallonge se fasse l’écho sur-explicatif de ce que l’on avait déjà bien entendu et nous avait ému aux larmes un peu plus tôt. Il y a quelques années, Anne Dorval, nous faisait rire avec Le Coeur a ses raisons, elle nous fait aujourd’hui pleurer en complétant la citation de Pascal « Que la raison ne connaît pas ».
#Mommy. Frissons. Les poils des bras qui se dressent littéralement lors d'une séquence du film à couper le souffle… @XDolan
— Le Bleu du Miroir (@LeBleuduMiroir) 18 Septembre 2014
Retrouvez prochainement notre dossier spécial Mommy (concours, entretiens et compte-rendu de masterclass)
La ficheMOMMY
Réalisé par Xavier Dolan
Avec Anne Dorval, Antoine-Olivier Pilon, Suzanne Clément
Canada – Drame
Sortie en salles : 8 Octobre 2014
Durée : 119 min
Bande-annonce sur Allociné
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Bonjour Wilyrah, j’ai surtout été épatée par l’interprétation remarquable d’Anne Dorval. Elle crève l’écran. Elle aurait mérité un prix à Cannes. Bonne après-midi.