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MOSTRA DE VENISE 2024 | Compétition de la 81ème édition

Plus vieux festival de cinéma au monde, créé en 1932, la Mostra de Venise est aussi le dernier des grands événements de ce type dans le calendrier, tout du moins pour ce qui est de l’Europe, le festival de Toronto au Canada finissant quelques jours plus tard. Bien mal en point il y a encore quelques années, le grand festival italien a reverdi en mettant une attention particulière sur une forte présence américaine, et à une ouverture aux films dits de plateforme, ce dont se refuse toujours son grand rival, le festival de Cannes. Cette teinte très étasunienne ne doit pas faire oublier la présence chaque année de représentants importants du cinéma international d’auteur, des cinéastes aussi importants que Ryusuke Hamaguchi, ou encore Jafar Panahi, y ayant dévoilé ces dernières années leurs films en Première mondiale. Cette 81ème édition ne déroge pas à la règle et vient de dévoiler une compétition internationale de 21 longs métrages très hétérogène.

C’est une spécificité de Venise, faire cohabiter des univers aussi différents que le deuxième volet des aventures du Joker, réalisé par Todd Phillips, et le troisième volet thématique de Jeunesse, le vaste projet documentaire de l’immense auteur chinois Wang Bing. Si l’on note un important contingent italien, pas moins de cinq films si on compte Queer de Luca Guadagnino, on remarque également une forte présence française, avec trois films présentés sur le Lido. Parmi eux, et pour la première fois à Venise en compétition, est sélectionné Trois amies d’Emmanuel Mouret, peuple d’une troupe d’acteurs et d’actrices garnie. Camille Cottin, Sara Forestier, mais aussi India Hair, Vincent Macaigne ou encore Eric Caravaca assurent la distribution pléthorique qui voit trois femmes, toutes amies, confronter leurs visions du couple et de l’amour, antagonistes. On retrouve la petite musique des comédies si particulière du réalisateur de Changement d’adresse.

Trois amies d’Emmanuel Mouret

Pour leur troisième film, les frères Ludovic et Zoran Boukherma présentent Leurs enfants après eux, adaptation du prix Goncourt de 2018, écrit par Nicolas Mathieu. Ce récit, une éducation sentimentale dans une vallée de l’Est de la France au cœur des années 1990, sera adapté autour de Paul Kircher (Le Lycéen) et Angelina Woreth (Les Rascals) dans les premiers rôles, avec les expérimentés Ludivine Sagnier et Gilles Lellouche ainsi qu’Anaïs Demoustier pour compléter le casting. Le défi est grand pour les cinéastes tant une telle adaptation semble éloignée de leur terrain de prédilection lorgnant plus vers un cinéma de genre revisité, comme pour leur deuxième film, Teddy (2020). Cet écrin vénitien peut être l’occasion d’un virage dans la filmographie des frères Boukherma, une ouverture vers un nouveau cinéma.

Leurs enfants après eux de Ludovic et Zoran Bouchera

C’est une autre famille qui complète cette délégation française avec Delphine et Muriel Coulin, pour Jouer avec le feu. Déjà daté pour une sortie française au 22 janvier 2025, il nous présente un père, joué par Vincent Lindon, élevant seul ses deux fils, interprétés par Benjamin Voisin et Stefan Crepon (Peter von Kant). Tous les deux vont peu à peu s’enrôler dans des groupuscules d’extrême-droite, au grand désarroi de leur père dont les valeurs sont aux antipodes. Il y a matière à réaliser quelque chose de fort et d’important avec un tel sujet qui résonne avec beaucoup d’acuité dans le contexte politique tumultueux qui remue la France.

Cette édition de la Mostra va être également l’opportunité de mettre en valeur des cinémas aussi intéressants que dynamique comme celui venant de Géorgie, avec la réalisatrice Dea Kulumbegashvili et son film April. Autour de la pratique d’avortements illégaux, c’est un portrait de femme placée dans une situation extrêmement dangereuse, dont le fondement reste le serment d’Hippocrate et le secours à toute personne ayant besoin d’elle et ses compétences médicales. Le cinéma géorgien a démontré ces dernières années une vitalité et une force par le biais de prouesses formelles dont Sous le ciel de Koutaïssi, d’Alexandre Koberidze en est à ce jour le plus bel exemple.

Stranger eyes de Yeo Siew Hua

Yeo Siew Hua, est lui un cinéaste singapourien, nationalité rare dans le paysage cinématographique international. Jusqu’ici, le seul Anthony Chen avait fait brillé son île natale, remportant la Caméra d’or à Cannes en 2013 avec Ilo Ilo, et confirmant film après film un talent d’une grande constance. Son jeune compatriote s’est lui fait remarqué avec l’excellent Les étendues imaginaires (2019), film à mi chemin entre le drame social et le film noir, récompensé du Léopard d’or au festival de Locarno en 2018. Ce nouveau film, intitulé Stranger eyes, suit un père de famille traquant un homme qui le surveillait lui et sa famille. Cet intrigant synopsis, bien servi par les qualités de plasticien et de scénariste de Yeo Siew Hua, promettent un film singulier qui est sur le papier une très belle promesse.

On retrouve au sein des cinq films italiens déjà évoqués, un autre coup de cœur potentiel, qui est ici aussi le fruit d’une co-réalisation. Iddu est le nouveau film de Fabio Grassadonia et Antonio Piazzia, qui nous avaient ravi à la Semaine de la critique en 2013 avec leur Salvo, puis avec Sicilian ghost story en 2017. C’est une nouvelle fois en Sicile que les collaborateurs plantent leur histoire, autour d’un parrain de la Cosa nostra, en fuite pendant trente ans de la justice italienne. Le grand acteur Tony Servillo (La grande bellezza) incarne ce potentat de la pègre sicilienne, et il nous tarde de pouvoir découvrir la mise en scène des deux auteurs qui jusqu’ici ont rivalisé d’idées pour mettre en lumière leurs films précédents.

Maria de Pablo Larrain

Autre film qui retient notre attention tout particulièrement, Maria de Pablo Larrain, réalisateur chilien talentueux aux œuvres aussi différentes que Jackie (2016) ou Spencer (2021), biopics réussis et inspirés, mais aussi No (2012) et Neruda (2016), des propositions ambitieuses et somptueuses qui témoignent de la richesse d’une œuvre déjà incontournable. C’est la figure de la Callas que filme Larrain, sur un scénario de Steven Knight (Les promesses de l’ombre). Angelina Jolie y joue le rôle principal, à Paris dans les années 1970 pour ce qui furent ses derniers jours. On retrouve autour d’elle un panel exceptionnel d’acteurs et d’actrice, dont Valeria Golino, Alba Rohrwacher et Pierfrancesco Favino.

The room next door de Pedro Almodovar

Enfin, on retrouve les nouveaux films de Pedro Almodovar, pour sa première fiction en langue anglaise, The room next door, avec Tilda Swinton et Julianne Moore, ainsi que The Order, du cinéaste australien Justin Kurzel, avec Nicholas Hoult, Jude Law et Tye Sheridan. L’ensemble de la compétition officielle est à retrouver sur le site de la Mostra de Venise, qui a également dévoilé ses sélections parallèles, avec notamment la sélection des nouveaux films de Kiyoshi Kurosawa, et le retour inattendu de Takeshi Kitano pour un film au sujet resté secret.