MUSTANG
C’est le début de l’été. Dans un village reculé de Turquie, Lale et ses quatre sœurs rentrent de l’école en jouant avec des garçons et déclenchent un scandale aux conséquences inattendues. La maison familiale se transforme progressivement en prison, les cours de pratiques ménagères remplacent l’école et les mariages commencent à s’arranger. Les cinq sœurs, animées par un même désir de liberté, détournent les limites qui leur sont imposées.
Les évadées.
Co-écrit avec Alice Winocour, Mustang est le premier long-métrage d’une jeune réalisatrice franco-turque, Deniz Gamze Ergüven, passée par la prestigieuse FEMIS. Si la cinéaste a choisi de retourner en Turquie pour son premier film, c’est pour rendre hommage à ses origines et illustrer la dichotomie de son pays, entre effervescence et étau conservateur.
Présenté lors de la Quinzaine des réalisateurs le mois dernier, Mustang renvoie inévitablement à quelques illustres aînées ayant contribué à illustrer le désir d’émancipation féminine ou le poids des dogmes religieux. On pensera donc à Nadine Labaki, Céline Sciamma et Sofia Coppola, forcément. Pourtant, Deniz Gamze Ergüven s’en défend et avance qu’elle avait surtout Salò ou les 120 Journées de Sodome en tête, puisant également son inspiration chez Andrea Arnold, les frères Dardenne ou encore Don Siegel pour faire émerger l’essence de ses personnages.
Portée par un casting d’une vitalité ravageuse, Mustang montre les petits riens d’un quotidien devenu très contrôlé, suite à quelques vagabondages innocents reçus par la communauté du village comme la manifestation de la dépravation des cinq jeunes femmes. Avec délicatesse, humour et urgence, Ergüven filme ses protagonistes dans leur liberté, leur chagrin et leur révolte. Sur une bande-son exquise signée Warren Ellis, membre de Nick Cave and the Bad Seeds, elle nous plonge au coeur d’un récit initiatique aussi attachant que bouleversant et révoltant. Elle illustre, habilement, ce que signifie être une fille/femme dans la Turquie actuelle, sa place dans la société faisant débat entre mesures progressistes et convertatisme misogyne et absurde.
Se défendant de faire dans le cinéma militant, la cinéaste explique avoir voulu exprimer certains enjeux de manière plus sensible et, donc, plus puissante que si son film avait été politique. Renvoyant au conte et à ses motifs mythologiques – le Minotaure et son dédale, l’Hydre de Lerne et même le bal, ici audacieusement remplacé par un match de foot auquel les filles rêvent d’assister pour enfin sortir de leur tour d’ivoire.
Première oeuvre d’une énergie et d’une fougue réjouissantes, Mustang est une petite merveille comme on en voit rarement chaque année. Le cinéma, vecteur d’émotions et d’indignation, moteur de l’émancipation… Une superbe ode aux indomptables Mustang !
La fiche
MUSTANG
Réalisé par Deniz Gamze Ergüven
Avec Güneş Nezihe Şensoy, Doğa Zeynep Doğuşlu, Elit İşcan, Tuğba Sunguroğlu, İlayda Akdoğan…
Turquie, France – Drame
Sortie en salle : 17 Juin 2015
Durée : 94 min
MAJ : Le film est sorti en DVD !
En bonus : le court-métrage La goutte d’eau et un entretien avec la cinéaste.
Beaucoup trop ressemblant à « Virgin Suicides » (effectivement la réalisatrice s’en défend mais c’est inconcevable et indéfendable comme position)… C’est un beau et bon film mais il manque une réelle personnalité.
Je trouve ces deux arguments franchement bidon. Désolé.
Ressembler à un film n’est pas « indéfendable » et dire qu’il « manque une réelle personnalité » me doucement rire. Nous n’avons pas du voir le même film 🙂
Merci pour ton avis, ceci dit.
Ode à la liberté, liberté mise à mal. Douleur, révolte, humour et plus encore parsème ce petit film magnifique. Vice versa live et réussit à plein. Formidables actrices, formidables personnages qui chacune iront de leur solution pour échapper à une condition rétrograde. Le coup de cœur de ce mois de juin. Et la musique…