PATRICIA CLARKSON | Entretien
Honorée pour l’ensemble de sa carrière à l’occasion du 41e Festival de Deauville, nous avons pu rencontrer la comédienne Patricia Clarkson pour un entretien à quelques heures de cette célébration se déroulant le soir-même de la clôture de cette édition 2015. Sincèrement touchée par cet hommage, l’actrice expérimentée a répondu à nos questions, avec l’élégance et la gentillesse qui la caractérisent…
Vous avez travaillé avec les plus grands. Pour autant, vous continuez à faire confiance à des cinéastes montants comme Craig Gillespie ou Zal Batmanglij. Est-ce important de continuer à faire des choix audacieux ?
Patricia Clarkson : C’est essentiel. J’ai eu la chance de travailler avec les plus grands. Mais, si vous analysez ma carrière, vous constaterez que si je n’avais pas accepté de travailler avec Thomas McCarthy, je n’aurais pas fait The Station Agent, ou si j’avais décliné le rôle proposé par Peter Hedges, je n’aurais pas tourné Pieces of April. Je serais passée à côté de ces réalisateurs formidables qui ont changé ma vie et ma carrière.
Je suis toujours ouverte aux réalisateurs qui font des premiers films. Si j’aime l’histoire, le scénario et si en parlant avec eux j’ai une bonne intuition, j’y vais.
À l’image de Kate Winslet, Meryl Streep ou Julianne Moore, vous avez rejoint une franchise « young adult » où vous campez un personnage fort. Cette aventure dans Le labyrinthe vous permet-elle de jouer un rôle de mentor auprès de ces jeunes comédiens ?
P. C. : C’est un régal de jouer avec eux. Dylan O’Brian et les autres savent ce qu’ils font. Ils ont sur leurs épaules ce gros film, avec beaucoup de talent. Je ne suis que la « méchante femme » qui apparaît. Au final, c’est peut-être moi qui apprend d’eux.
Alan Ball produit de la beauté. C’est un grand, un maître.
Vous êtes honorée à Deauville pour l’ensemble de votre carrière. En temps qu’actrice expérimentée, comment voyez-vous la nouvelle génération ? Quelle jeune comédienne vous impressionne le plus ?
P. C. : J’ai tourné avec Elle Fanning, c’était son premier film (Phoebe in Wonderland, joli film indépendant où Patricia Clarkson campe la professeure de théâtre de la jeune fille – ndlr). Sur le tournage, je me disais : « Oh mon dieu, elle est extraordinaire, elle est d’une telle beauté… » De l’intérieur comme de l’extérieur, c’est une belle personne. Et ce fut quelque chose de fort que de voir cette jeune fille déployer ses ailes. Elle était si jeune à l’époque…
Votre participation à l’inoubliable série Six Feet Under en a marqué plus d’un. Quel regard portez-vous sur cette expérience, une décennie après la fin de cette oeuvre emblématique de la télévision ?
P. C. : Ce qui est intéressant, c’est qu’au final je n’apparais que dans six épisodes. Mais Alan Ball (le showrunner de la série – ndlr) m’a écrit un personnage si extraordinaire… Je lui suis très reconnaissante. C’est lui qui est venu vers moi pour me proposer le rôle. Ce fut une expérience incroyable. Je n’avais pas un personnage régulier et je débarquais sur le tournage deux fois par an pour interpréter « Tante Sarah ». À chaque apparition, je me retrouvais avec ces scènes fabuleuses. Vraiment, ce personnage était si magnifiquement écrit. De toute façon, l’écriture de cette série était sublime. Elle reste absolument unique.
Alan Ball… Cet homme produit de la beauté. C’est un grand, un maître. Ce fut une expérience remarquable. Faire partie de cette série, entourée d’une troupe d’acteurs que j’adorais. Ce fut une bénédiction.
Au regard de la qualité des productions télévisuelles, seriez-vous tentée de participer à nouveau à une série ?
P. C. : Je chéris ma liberté. Ce qui était bien avec Six Feet Under est que je n’étais pas régulière dans la série. J’allais et venais. Il y a effectivement de sacrés auteurs qui exercent sur le petit écran à l’heure actuelle… Mais j’aime tourner des films. Je ne veux pas être retenu trop longtemps sur quelque chose. Je viens récemment de jouer une pièce à Broadway avec Bradley Cooper qui s’intitule The Elephant Man et cela m’a bien occupée toute l’année. Cela m’a suffit. J’aime ne pas avoir un planning trop verrouillé. Mais Bradley m’a proposé et je n’ai pu refuser. J’aime l’inattendu.
Vous dites souvent aimer le challenge et votre filmographie le confirme. Pourriez-vous nous parler de ce film unique qu’est Dogville et de votre collaboration avec Lars Von Trier, un cinéaste que l’on sait très exigent ?
P. C. : Ce fut aussi une expérience remarquable. De plus, elle m’a permis de connaître Nicole Kidman, que j’adore depuis cette époque. Nous nous voyons régulièrement, elle est d’ailleurs venue me voir jouer la pièce…
Travailler avec Lars et cette fantastique distribution, sur ce plateau immense qui ne pouvait sortir que de la tête de Lars Von Trier… La réaction de mon père m’a beaucoup amusée : « Patty, tu avais besoin d’une porte ! ». Ce film a fait de moi une meilleure actrice, il m’a conduite sur un terrain inédit. C’est crucial.
Est-ce de cette façon que vous choisissez vos rôles ? Vous avez besoin d’une réaction vicérale ?
P. C. : Absolument ! Quand je reçois un scénario, je trouve un moment et un lieu calmes pour m’y plonger dedans et me laisser percuter par le texte. S’il ne me percute pas, je ne l’accepte pas. J’ai besoin d’avoir le souffle coupé quand je tourne les pages. Vous l’avez remarqué, j’aime le challenge.