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ROBERT BRESSON : AU HASARD BALTHAZAR et MOUCHETTE

Au hasard Balthazar  (1966) et Mouchette (1967), deux films de Robert Bresson ressortent en vidéo le même jour. L’occasion de faire le point sur ce qui rapproche ces deux grands classiques.

Si Au hasard Balthazar développe un scénario original de Robert Bresson et Mouchette une adaptation d’un roman de Georges Bernanos (Nouvelle histoire de Mouchette), ces deux œuvres n’en sont pas moins très proches et emblématiques du travail de ce metteur-en-scène. Par les thématiques abordées et par la forme utilisée.

L’âne Balthazar, la jeune marie et Mouchette subissent la cruauté, la violence des hommes qui les traitent comme des marchandises, mais sont également les victimes du sort, du destin qui semble s’acharner sur les plus fragiles, les plus innocents. Ainsi les tribulations de l’âne Balthazar conduisent le pauvre animal sans défense à souffrir stoïquement moqueries, coups de pied et de fouet. Ces films évoquent aussi, sans complaisance aucune, mais avec une mise en scène épurée et une sécheresse de ton, l’horreur du viol et du suicide. Une vision désespérée de la condition humaine se dégage. Le bien ou ce qu’on appelle ainsi, la pureté des sentiments, l’innocence, tout cela n’est pas récompensé. Un des personnages exprime d’ailleurs avec cynisme sa conception du monde : « La vie n’est qu’un champ de foire, un marché où la parole même n’est pas nécessaire, le billet de banque suffit ». On peut acheter une réputation, le silence d’un témoin, ou un corps de jeune fille. « Voilà ce qui arrive quand on met la probité et l’honneur au-dessus de tout », affirme le même protagoniste. Malgré cette absence de justice terrestre, certains êtres continuent à faire preuve de bonté (les parents de Marie d’Au hasard Balthazar). 

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On est proche de Dostoïevski, avec le thème du crime et de la rédemption (Déjà présent dans Pickpocket en 1959 et que Bresson développera dans son dernier film L’Argent, en 1983). Et une faune de personnages dont l’égoïsme et la rapacité rivalisent avec le goût de la destruction de son prochain. Le monde que décrit Robert Bresson est impitoyable. Peu de personnages trouvent grâce à nos yeux.

Comme dans la plupart des films du metteur en scène, on a affaire à des comédiens et comédiennes amateurs (Même si Anne Wiazemsky fit ensuite une très belle carrière notamment chez Godard et  Pasolini). Robert Bresson les appelait ses modèles. Mais cela n’entraîne nullement une déperdition de crédibilité ou de qualité. Bien au contraire, car les acteurs font preuve d’un naturel confondant au service de l’histoire et de la mise en scène, sobre, qui s’affranchit de tout mouvement de caméra superflu et qui privilégie les détails des gestes, des visages. Beaucoup de hors champ également pour évoquer ce qu’on ne peut pas montrer. 

Marquées par une vision janséniste du monde et de la destinée humaine, ces deux œuvres de Robert Bresson offrent une grande beauté formelle (Ce réalisateur voulait d’abord être peintre) et thématique. Il s’agit d’un cinéma avec une grande exigence de vérité et d’intégrité morale.

Ces deux films sortent en DVD et en Blu-ray le 3 mars, édités par Potemkine et distribués par Arcadès, dans de très belles restaurations de l’image et du son et accompagnés de suppléments.