THE LITTLE DRUMMER GIRL | Park Chan-wook adapte John Le Carré
Qui ?
Ce diable de (copyright CJP©) Park Chan-wook, réalisateur sud-coréen connu surtout dans nos contrées pour son Old Boy primé à Cannes en 2003. Une connaissance quelque peu réductrice du talent du bonhomme (Sympathy for Mr. Vengeance, Joint Security Area), mais aussi de ses égarements (Je suis un cyborg). Un auteur que l’on adore ou que l’on déteste le plus souvent, mais qui, depuis son escapade américaine, a su s’assagir et gagner en maturité comme le montrait le très bon Mademoiselle.
Son association avec la BBC pour l’adaptation d’un roman de John le Carré promettait beaucoup : la chaîne britannique cherche en effet depuis plusieurs années à attirer des réalisateurs et réalisatrices reconnues mondialement pour épaissir son catalogue sériel et les romans de le Carré offrent un terreau fertile pour donner une bonne série, si tant est que l’on donne les clés du projet aux bonnes personnes. Pour The Little Drummer Girl, en plus de Park Chan-wook, la Beeb a aussi engagé Michael Lesslie et Claire Wilson à l’écriture des six épisodes et le compositeur Jo Yeong-wook pour la BO, un collaborateur de longue date du réalisateur coréen (depuis JSA) et qui a aussi d’autres bons petits films sur son CV (comme A Dirty Carnival ou New World).
Quoi ?
Dans les années 1970, dans le climat suivant les attentats de Munich, Palestiniens et Israéliens se rendent coup pour coup. En 1979, suite à un énième attentat, le Mossad décide d’en finir une bonne fois pour toute et d’éradiquer une cellule terroriste projetant d’autres attaques en Europe. Pour ce faire une jeune actrice un peu paumée nommée Charlie est piégée et est utilisée pour infiltrer et faire tomber le réseau.
Quand ?
La série a été diffusée sur la BBC entièrement (l’épisode final a été diffusé le 2 décembre dernier), tout comme sur AMC qui co-produit la série (diffusion en bloc de deux épisodes les 19, 20 et 21 novembre). En France, la série a été judicieusement récupérée par Canal+.
Pourquoi ?
Inutile de tourner autour du pot, The Little Drummer Girl est globalement une réussite. Park Chan-wook aime les scénarios tortueux où les apparences sont trompeuses ; forcément ici il se régale à trimballer Charlie et le spectateur dans ce monde d’espions et de terroristes où chacun joue un rôle qui entre parfois en contradiction avec l’être humain qu’ils sont. En soi, la série n’est pas d’une inventivité folle – après tout The Americans a traité de ce sujet durant six saisons récemment – mais la mise en scène du Coréen (dynamique, toujours en mouvement et bénéficiant d’une photographie somptueuse), couplé au montage vif et malin et à l’écriture maligne et enlevé des dialogues emportent la mise.
Si la série met un petit de temps à démarrer – la faute à une introduction plutôt brut de décoffrage et à des enjeux qui prennent du temps à être clairement posés – elle trouve un vrai rythme dès son second épisode, pour ne plus ralentir jusqu’au final. Si Michael Shannon se fait plaisir en chef bourru et moustachu qui est plus fin que son apparence ne le laisse supposer, c’est réellement Florence Pugh qui irradie The Little Drummer Girl de son talent : tour à tour perdue, forte, fragile et animée par des convictions qu’elle affirme au fil de son infiltration, elle est l’âme de la série et porte sur ses épaules la deuxième partie de la saison.
Tout juste pourra t-on regretter qu’Alexander Skarsgård (Generation War et Big Little Lies) joue un Gadi trop monolithique pour réellement faire le poids ; idem quant à l’insistance de la série à vouloir créer à tout prix une relation amoureuse entre Charlie et Gadi qui manque de chair et de crédibilité (surtout vu la différence d’âge entre les deux personnages). Malgré cela et ce début un poil longuet, The Little Drummer Girl s’impose comme une série d’espionnage de haut niveau, divertissante, tendue et évitant de tomber dans un manichéisme de mauvais goût. À consommer avec modération, les six épisodes passant très rapidement.