TIM BURTON & EVA GREEN | Rencontre
À l’occasion de l’avant-première au Grand Rex du dernier film de Tim Burton, Dumbo, le réalisateur américain et sa nouvelle actrice fétiche, Eva Green, étaient de passage à Paris pour évoquer, lors d’une conférence de presse, l’adaptation en live-action de ce classique des studios Disney. Morceaux choisis.
Avez-vous lu le roman original ? Vous en êtes-vous inspiré pour écrire le scénario ?
Tim Burton : J’étais, avant tout, intéressé par la simplicité et la beauté de ce que l’on retrouve dans tous les anciens films Disney. Ce que j’aime, c’est cette façon de parler à la manière d’une fable avant d’y puiser une inspiration visuelle. C’était un film assez étrange à tourner car il manque, au final, le personnage principal. Je voulais, à la fois, le rendre différent de l’original tout en gardant tout son cœur émotionnel : je n’avais absolument pas l’idée d’en faire un remake mais, au contraire, de proposer une exploration singulière de l’histoire.
Lorsque vous êtes arrivée sur tournage du film, qu’avez-vous ressenti en découvrant le cirque imaginé par Tim Burton ?
Eva Green : Une des premières scènes tournées est celle où nous sommes tous dans la voiture et où nous entrons dans Dreamland. Nous avions le luxe de travailler sans aucun écran vert en découvrant les attractions, les figurants, les acrobates et le groupe de jazz. C’était assez extraordinaire car nous avions l’impression de retourner à l’âge d’or hollywoodien.
Dumbo ressemble à mon histoire personnelle avec Disney, une histoire belle et longue. […] J’y célèbre, comme toujours, la beauté d’être différent et d’être accepté par les autres.
Avez-vous choisi ce nouveau projet comme une somme de tous vos films, un écho à ceux-ci ?
Tim Burton : Mon attirance pour Dumbo vient d’une ressemblance extrême avec qui je suis. Quelqu’un qui était, à un moment, la risée de tous, un personnage bizarre, spécial. Je me sens très proche de ce qu’il représente, dans le sentiment qu’il éveille. Tous les films Disney nous permettaient d’aborder, en tant qu’enfant, les thèmes de la mort, de la vie, de la tristesse, des sentiments que, très jeunes, nous avions du mal à comprendre. On se souvient bien souvent des parties les plus effrayantes de ces films, les plus tristes. J’aime toujours faire quelque chose qui me parle profondément et intimement.
Qu’est-ce qui vous a posé le plus de difficultés ? Surmonter votre peur du vide ou prendre un accent français à couper au couteau pour incarner le personnage de Colette Marchand ?
Eva Green : La peur du vide, évidemment. J’ai appris que cela s’appelait de l’acrophobie. J’ai vraiment pensé que je n’y arriverais jamais et j’ai réussi à vaincre cette appréhension grâce à la patience et à la passion des acrobates. La passion est très contagieuse, je m’entraînais dans une grande tente où ils vivent tous ensemble : ils s’aident, il y a un grand soutien et un amour qui est fascinant.
Était-ce important pour vous d’inclure une dimension militante en insistant sur le fait que les animaux ne devraient pas être dans un cirque ?
Tim Burton : Bizarrement, je n’ai jamais aimé le cirque, je trouvais les clowns terrifiants tout comme les bêtes sauvages qui étaient en captivité. En même temps, le cirque est cet endroit un peu étrange où se regroupent et se retrouvent des artistes hétéroclites, des gens marginaux et imparfaits, donc c’est ce qui m’attirait dans l’idée du cirque. Je suis évidemment ravi qu’il n’y ait plus de bêtes sauvages en captivité pour les cirques, c’est pourquoi nous avons utilisé, dans le film, des chevaux, des chiens mais aucun animal sauvage.
Je ne choisis pas un rôle en me disant qu’il faut que ce soit féministe mais j’aime les femmes fortes et pas les femmes soumises.
On parlait de la cause animale. Il y a un autre aspect très engagé avec votre personnage, Colette, qui s’émancipe d’un homme toxique. Cette dimension militante est-elle un critère dans le choix de vos rôles ? Quand on regarde votre filmographie, on se rend compte que c’est un aspect qui est souvent présent …
Eva Green : Je ne choisis pas un rôle en me disant qu’il faut que ce soit féministe mais j’aime les femmes fortes et pas les femmes soumises. Des femmes qui ont un voyage comme Colette. Des femmes complexes qui ont du courage, des femmes modernes. Je ne connaissais honteusement pas du tout Colette Marchand mais c’était une artiste typique de l’âge d’or d’Hollywood, très glamour, que Vandevere (joué par Michael Keaton) trouve dans les rues de Paris et qu’il transforme en superstar en la ramenant à Dreamland. C’est un bel oiseau en cage qui va finir par s’envoler.
Vous avez développé autour de Dumbo beaucoup de personnages principaux joués par de grands acteurs comme Eva Green, Michael Keaton, Danny DeVito, Colin Farrell … Était-ce compliqué de trouver un équilibre pour chacun vu leur histoire qui est très riche ?
Tim Burton : L’univers que je crée est stylisé, fait d’un éléphant qui est réel sans l’être vraiment et de personnages qui doivent interagir avec lui. Ce que j’aime, c’est avoir autour de moi des gens un peu bizarres qui vont aussi être en osmose avec ce procédé. J’ai eu beaucoup de chance car j’ai réussi à réunir une troupe extraordinaire et « barrée ». Le cirque est une famille et j’ai été ravi de retrouver Michael Keaton mais aussi Danny DeVito et de sentir également une connexion immédiate avec Colin Farrell comme si je le connaissais depuis toujours. J’aimais l’idée que tout cela ressemble à une famille dysfonctionnelle.
En bonus, Eva Green évoque son perfectionnement de son accent anglais et l’épaississement « frenchie » de sa prononciation pour incarner Colette Marchand dans Dumbo.
#EvaGreen a réinjecté une coloration française à son anglais pour le rôle de Colette dans #Dumbo. @DisneyFR pic.twitter.com/hjDUMOBbcX
— Le Bleu du Miroir (@LeBleuduMiroir) 18 mars 2019
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