VISIONS NORDIQUES : 1ère édition
Jour 1 : Ouverture de cette 1ère édition
C’est en ce mercredi 5 mars que s’ouvrait la première édition du festival Visions Nordiques (French Nordic Film Days) au cinéma le Grand Action. Après le mot d’ouverture enthousiaste d’Isabelle Gibbal-Hardy (la directrice du cinéma) et de l’ambassadrice d’Islande, c’est le nouveau président du CNC (Gaëtan Bruel) qui s’est félicité de la naissance de ce nouveau rendez-vous cinéphile visant à promouvoir les productions nordiques et à renforcer les partenariats culturels à l’échelle européenne.
Suite aux prises de parole était projeté le film d’ouverture Touch, du très prolifique Baltasar Kormákur, en présence du comédien principal. Sûrement l’oeuvre la plus grand public de la sélection, cette comédie romantique plaisante trouve son intérêt majeur dans ce qu’elle raconte des survivants du bombardement d’Hiroshima et de leur stigmatisation. Charmant mais un peu long, le film de Kormákur ne trouve pas forcément l’émotion espérée en fin de parcours.

Love, 3e volet de la trilogie d’Oslo
Jour 2 : L’amour et la haine
Le jeudi 6 mars, un hommage était rendu à Ari Kaurismäki, avec la projection de son film Le Havre, avant l’avant-première de Love, second volet de la TRILOGIE D’OSLO du réalisateur Dag Johan Haugerud, qui s’est récemment vu récompensé de l’Ours d’or à la Berlinale pour le 3e volet, intitulé Dreams. Accompagné de son distributeur, Pyramide, qui a annoncé une sortie prévue des trois films au début de l’été 2025, le réalisateur norvégien a pu échanger avec le public à l’issue de la projection de ce beau film d’inspiration rohmérienne qui joint l’intime et l’universel et les relations humaines, au-delà des considérations de genres. Une belle histoire d’amitié et d’errance sentimentale dans un Oslo enchanteur, qui redonne foi en l’humanité.

Hacking hate, un documentaire suédois glaçant
La journée se concluait avec l’avant-première du documentaire suédois Hacking hate, qui suit la journaliste My Vingren dans son implication acharnée à démasquer les influenceurs d’extrême droite. Malgré les risques pour sa sécurité, elle raconte comment elle explore les arcanes numériques pour mettre en lumière tout un réseau de violence et de cyber-harcèlement qui cherche, comme tout groupe terroriste, à enrôler les plus jeunes et les plus fragiles afin de répandre la haine et de déstabiliser les démocraties en place en prônant la liberté d’expression absolue. Un documentaire saisissant et encore plus terrifiant à l’heure des alliances entre Trump et Poutine et des dérives fascistes du propriétaire de X.
Jour 3 : Le courage et la résilience féminine

Film après film, Kristine Kujath Thorp est en train de devenir l’une des actrices scandinaves majeures de ces dernières années.
Ce vendredi 7 mars étaient projetés trois films inédits en avant-première française, dont deux norvégiens et un suédois. Cette 3e journée des French Nordic Film Days débutait avec la présentation du film Safe house, Le refuge. Basé sur des faits réels, ce drame raconte comment le conflit entre les milices chrétiennes et musulmanes en République Centrafricaine impacte les organisations humanitaires et particulièrement Médecins Sans Frontières. À travers le point de vue de Linn, qui dirige un hôpital de fortune à Bangui, on découvre les conditions dans lesquelles elle et son équipe s’efforcent de sauver des vies dans une zone contrôlée par les chrétiens. Mais le 24 décembre 2013, quand un homme musulman en grand danger se réfugie dans la clinique, l’équipe de bénévoles se retrouve confrontée à la pression des foules chrétiennes qui exigent son arrestation. Consciente que leur remettre le réfugié signerait son arrêt de mort, Linn se retrouve face à des choix impossibles. Un drame efficace et de bonne facture, porté par l’interprétation solide (et polyglotte) de la talentueuse Kristine Kujath Thorp (Ninjababy, King’s land) dans la peau de cette femme courageuse et dévouée.

Oddgar Thune, l’épatante comédienne principale de Loveable
C’est ensuite une autre production norvégienne qui était présentée au public parisien, le très attendu Loveable de Lilja Ingolfsdottir, ayant rencontré un beau succès public et critique en Scandinavie et annoncé en salle chez nous le 18 juin 2025 sous l’impulsion du distributeur Jour2Fête. Superbement interprété et brillamment écrit, ce premier long métrage impressionne par son regard perspicace et empathique sur le processus compliqué de la rupture, de la reconnexion avec soi-même et du long cheminement vers l’apaisement. L’autrice norvégienne prend le temps de développer un personnage féminin qu’elle ne cherche pas à rendre aimable d’emblée, montrant ses angoisses, ses rancoeurs et son besoin d’être aimée. Une protagoniste profondément humaine et attachante, remarquablement incarnée par l’actrice Oddgar Thune, qui nous bouleverse dans un sublime épilogue cathartique. Un gros coup de coeur, dont on vous reparlera plus longuement d’ici sa sortie, et la double naissance d’une cinéaste et d’une comédienne, qu’il faudra suivre de près à l’avenir.
Après deux films norvégiens, la journée s’est conclue sur l’avant-première de Sally Bauer, à Contre-Courant de la suédoise Frida Kempff. Ce film historique, qui sera distribué chez nous par Nour Films dans le courant de l’année, raconte comment le personnage éponyme a cherché à concrétiser son rêve de devenir la première femme à traverser la Manche à la nage, à l’aube de la deuxième guerre mondiale.
Jour 4 : Un hommage et de belles avant-premières
Le week-end débutait avec une séance spéciale de Breaking the waves de Lars Von Trier, Grand Prix du festival de Cannes 1996, qui ouvrait une série d’oeuvres du cinéaste danois consacrées à de beaux personnages féminins. Dans ce drame romantique situé en Ecosse, son héroïne principale essaie de faire le bien malgré l’hostilité de sa famille et le poids de la religion rigoriste de sa communauté.
C’est ensuite le film finlandais Odd fish qui bénéficiait de son avant-première en présence de son réalisateur. Le récit suit Hjalti et Björn, deux amis d’enfance et associés pour ouvrir un restaurant de poissons et de fruits de mer dans leur ville natale, dont ils espèrent que l’activité se développera suffisamment pour se pérenniser toute l’année. L’annonce de la transition imminente de Björn bouleverse leur lien autant que leur relation professionnelle. Une histoire d’amitié et de transidentité qui méritait les honneurs de cette première sélection nordique.

My eternal summer, un joli drame danois signé Sylvia le Fanu
Au coeur de l’après-midi était présenté My eternal summer, un joli drame danois signé Sylvia le Fanu. Adoptant le point de vue d’une adolescente de 16 ans, Fanny, le film se déroule le temps d’un été dans leur maison secondaire en bord de mer. Mais ces vacances ne sont pas aussi paisibles que les précédentes puisque ce sera le dernier été de sa mère, atteinte d’un cancer incurable. Derrière les moments anodins, les promenades et les baignades, l’existence de la famille est chamboulée par la maladie, ce qui créé des angoisses pour la jeune femme et des tensions avec son père, qui peine à trouver la bonne approche pour communiquer avec elle. Le film raconte le parcours émotionnel de Fanny, avec beaucoup de délicatesse, alors que sa mère décline à l’aube de sa vie d’adulte.
Troisième avant-première de ce samedi riche en événements, le film finlandais Orenda était projeté en présence de son actrice principale, Alma Pöysti (Les feuilles mortes), et de son producteur. Mis en scène par Pirjo Honkasalo, une cinéaste très appréciée dans son pays natal, et porté par une superbe photographie et deux belles interprétations, cette oeuvre inédite en France s’inscrit selon Mattias Nohrborg (le co-créateur du festival) dans la lignée de grands auteurs nordiques tels qu’Ingmar Bergman et Andreï Tarkovski.

Les Contes de Kokolla de Juho Kuosmanen
Cette 4e journée, qui affirme la passionnante et formidable pluralité créative des cinéastes nordiques et confirme déjà la belle réussite de cette première édition de Visions nordiques, se finissait avec la projection des Contes de Kokolla, trilogie de courts métrages signés Juho Kuosmanen (Compartiment n°6), présent lui aussi dans la capitale. Notre rédacteur François-Xavier Thuaud, qui l’a découvert récemment, recommande ce film intemporel et anachronique, dont le dernier court, le plus ouvertement comique, permet de quitter la salle sur une impression de légèreté bienvenue. Critique plus développée à lire sur Le Bleu du Miroir dans quelques jours, avant sa sortie prévue le 26 mars.
Jour 5 : Fin de cette belle première édition
Ce dernier jour de festival Visions Nordiques s’est conclu avec une séance hommage à Bo Widerberg et la projection spéciale de Nouvelle donne, premier film de Joachim Trier, en présence de son scénariste Eskil Vogt. L’après-midi était présenté The last paradise on earth, un film produit dans les Îles Féroé, en présence de son réalisateur, Sakaris Stóra.
Cette belle 1ère édition se terminait en beauté avec l’avant-première du film suédois Sous hypnose, d’Ernst De Geer, une comédie noire, absurde et satirique qui sortira en salle dans quelques mois, distribué par Survivance, et dont on vous parlait déjà à l’occasion du festival Premiers plans d’Angers.
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